Me voici arrivé au terme de mon nomadisme. Retour à Nawalgarh. Ce joli petit village au nord du Rajasthan dans le Shekhawati. Je puis enfin déballer mon matériel de peinture. C’est une résidence d’artiste que j’avais découvert avant de partir, mais qui ne répondait jamais à mon mail. Comme quoi il faut venir pour clarifier les choses.
J’habite dans une petite annexe et j’ai une jolie petite chambre et surtout un magnifique atelier avec une vue encore plus belle qu’à Mon-Repos. Sauf qu’ici les paons sont en liberté. Côté chambre la fenêtre donne sur les écuries avec 130 magnifiques chevaux, dont la particularité est d’avoir les oreilles qui se touchent en haut (cheval du Marwari). Pouvoir me poser et me dire que j’ai encore une petite quinzaine de jours pour travailler me réjouit. J’ai apprécié de découvrir la richesse de cette culture et maintenant j’ai besoin de digérer un peu. La famille du Maharadjah et ses proches sont en train de faire une partie de cricket sous mes fenêtres. Je n’y connais rien à ce jeu, mais ici tout le monde est excité car il se déroule actuellement le championnat du monde. L’inde a fait match nul avec l’Angleterre hier soir…
Voyager seul n’est pas toujours facile. Il faut d'abord ne pas être trop mal dans sa tête pour se supporter. Mais cette solitude procure une richesse par les multiples rencontres que l’on fait. Cet instituteur français, Michel, avec qui j’ai passé deux jours au début de mon séjour et qui m’a donné des conseils de quelqu’un qui est déjà venu en Inde. Le lendemain de notre rencontre il m’avoue qu’en fait il n’est pas instit mais toubib et qu’il en a tellement marre d’être pris pour quelqu’un de riche qu’il a une couverture. Je me disais aussi que pur un instit français cela ne doit pas être facile de se payer un tel voyage. Il y a aussi ces deux françaises qui sont mordues de l’Inde et qui reviennent chaque année avec du matos scolaire qu’elles distribuent au hasard de petites écoles pauvres. L’une des deux est prof de grec et elle apprend le sanskrit. Il y a ce couple très sympa des Pays-Bas, lui spécialiste de navigation spatiale. Il y a ce jeune homme sikh, qui m’a dépanné quand je suis arrivé à Chandigarh au milieu d’un parking complètement désert sans aucun taxi pour m’amener au centre.
Il y a ce Monsieur Sikh qui m’a demandé de le prendre en photo à l’hôtel, qui ne parlait pas très bien l’anglais. Il me demande mon nom et il me dit, très beau nom comme les hamburger, j’adore les Mc Donald. Le lendemain il vient vers moi et me dit très fier avec un grand sourire « Good morning Mister Augsburger ». Il y a cette petite secrétaire chez qui j’allais acheter des tickets pour se connecter internet. Je lui demande si elle connaît un peu son pays. Elle me répond que non elle ne connaît que le trajet de chez elle à son travail. Je lui demande si elle connaît mon hôtel qui est à 500 m de là, celui qui j’ai mis sur mon blog, elle me répond que non et je lui fais découvrir cet hôtel, juste à côté, en lui montrant mon blog.
Il y a aussi ce Monsieur avec un monstre accent vaudois de Morges, je pense ancien prof de Biol à l’uni, qui est en train de se faire faire une démonstration de turban sur la tête. Très à l’aise, l’impression d’être dans un carnotzet vaudois.
Il y a Babo guide qui parle très bien le français à Nawalgarh. Il y a aussi évidemment le guide francophone, Monsieur Chouhan, avec qui nous avons eu des conversations très riches et franches sur son pays et son fonctionnement. Mariage, castes et bien d’autres choses.
Je pense aussi à ce petit serveur à qui j’ai demandé hier soir une orange pour la nuit et qui a oublié. A onze heures du soir j’entends frapper à ma porte, c’était ce petit serveur qui s’excusant d’avoir oublié vient m’apporter un panier plein d’oranges.
Puis il y a Ramashanker sur qui j’ai buté alors qu’il sortait d’un temple à Jaipur. Il me dit que c’est le pouvoir de Krishna qui a fait notre rencontre. Ancien peintre, musicien et touche à tout (membre de la famille de Ravi Shankar). C’est lui qui m’a amené dans un atelier de peintre à Jaipur chez qui j’ai passé l’après-midi. Ce peintre a même été d’accord de me vendre ses propres couleurs. Un jaune magnifique fait ave de l’urine de vache nourrie aux fleurs jaunes et aux mangues. Je me réjouis. Le lendemain je rappelle Ramashanker pour lui expliquer que j’ai aussi besoin de pinceaux. Il me donne rendez-vous chez lui. Il était avec un jeune américain de San Francisco, qui après avoir terminé ses études de droit, visiblement dégouté cherche une voie spirituelle et voyage à travers l’Inde. Ramashanker habite une toute petite maison adossée à une magnifique porte de d’enceinte de ville. Juste un rez avec un petit temple de Ganesh, vieux de 300 ans qui devait se trouver sur la porte d’enceinte et une terrasse avec 2-3 petites chambres. C’est très rustique mais tellement accueillant et chaleureux. Je rencontre sa femme, son fils et son voisin. Puis départ pour aller chez un fabricant de pinceaux. J’achète ces magnifiques pinceaux tout fin. J’ai acheté 20 pinceaux pour 30 fr car les petits s’usent vite et il paraît qu’on les trouve nulle part ailleurs. Très joliment emballés dans un papier journal.
Puis nous allons visiter le musée des turbans, très folklo et tout à coup il nous dit qu’il faut nous dépêcher car il veut aller au temple. Nous nous rendons au Govind Dev Temple, par un long chemin au début duquel il a fallu se déchausser. Tout le monde marche d’une allure rapide. Puis nous arrivons dans un immense hall. Nous faisons toujours rapidement le tour du temple et nous nous retrouvons devant la divinité. Plein, plein de monde concentré en train de prier. Puis tout à coup comme une scène de théâtre, la moitié de la scène se ferme par un rideau. Tout le monde lève les mains et crie. Puis l’autre moitié se referme et à nouveau une grande ferveur. Puis tout le monde repart. Nous étions, avec l’américain, les seuls étrangers. Il va trois fois par jour à ce temple la première cérémonie est à 5h30 du matin. Nous reprenons le Rickshaw pour retourner chez lui, et là sur sa terrasse nous buvons une bière dans la nuit sous les étoiles. Roublard, avec un grand sens de l’humour, il est sympa.
Puis aujourd’hui ce chauffeur qui m’amène à Nawalgarh. Trois heures de route. Il m’explique qu’il a fait des études de sociologie, qu’il a même trouvé un emploi d’état, mais qu’il n’avait rien à faire. Il préfère de loin faire ce qu’il fait maintenant, c’est à dire chauffeur de taxi. Grandes discussions sur l’Etat le gouvernement et la famille. Petit arrêt vraiment nulle part ou il m’offre des Samosa.
Bon il y a aussi des bôfs. Ce soir je rencontre un groupe de français type sortie de contemporains troisième âge. Il me disent : « Ahhh, vous êtes suisse, mais vous parlez bien le français !!! » Je vous jure…